Le rapport de l’USDA relance la hausse des prix des céréales
Dans une semaine riche en rapports, l’USDA créait la surprise en baissant sous les attentes des opérateurs, les stocks de report de maïs aux États-Unis. Alors que le grain jaune américain était encore considéré comme l’élément de lourdeur du complexe céréalier quelques mois plus tôt, la bonne dynamique de la demande change quelque peu la donne pour les prix du blé et du maïs. De son côté, le colza revient à hauteur de ses plus hauts niveaux de la campagne, s’affranchissant pour le moment d’une récolte de soja attendue à un niveau record au Brésil.
Blé : une semaine riche en rapports gouvernementaux
Le marché du blé a enregistré une nouvelle hausse cette semaine, de 5 €/t, pour revenir autour de 226 €/t en base juillet rendu Rouen. Il faut dire que la consommation se dynamise à l’échelle locale, aussi bien à destination de l’alimentation animale que pour l’activité meunière. Après la récolte catastrophique de l’été 2024, les volumes disponibles à l’exportation vers les pays tiers pourraient être une nouvelle fois réduits en dessous de 4 millions de tonnes, contre plus de 10 millions de tonnes habituellement.
Dans ce contexte, le blé français reste en prime par rapport aux origines de la région mer Noire, mais également de l’origine argentine. Il faut dire que les récoltes progressent et 67 % des surfaces argentines sont désormais récoltées. Les retours des observateurs sur les rendements permettent d’ajuster les potentiels de production.
La Bourse de Rosario en a profité pour revoir son estimation en hausse de 500 000 tonnes à 19,3 millions de tonnes, contre 17,5 millions de tonnes toujours affichées par l’USDA et 15,9 millions de tonnes l’an passé. Il en est de même du côté de l’Australie, où l’USDA conserve son estimation de la récolte à 32 millions de tonnes, en ligne avec la moyenne 5 ans et la publication de l’organisme local Australian Bureau of Agricultural and Resource Economics (Abares) la semaine dernière.
Le principal ajustement du rapport de l’USDA est la réduction de la production et des exportations européennes de respectivement 1,3 million de tonnes et 1 million de tonnes. De même, les exportations de blé russe sont revues à la baisse, passant de 48 millions de tonnes à 47 millions de tonnes en 2024-2025, face aux restrictions d’exportations imposée par le gouvernement de Vladimir Poutine.
La hausse de ces taxes à l’exportation des dernières semaines s’ajoute à la mise en place d’un quota de 11 millions de tonnes de blé exportées au maximum entre le 15 février et le 30 juin 2025. La diminution de l’activité portuaire en Russie et en Ukraine sera ainsi à surveiller dans les prochains mois.
Maïs : l’USDA crée la surprise
Le maïs français peine à prendre une franche direction, mais se redresse tout de même à hauteur de 198 €/t rendu Bordeaux, après avoir chuté à 194 €/t deux semaines plus tôt. Le cap des 200 €/t n’a pas été franchi durablement depuis la fin du mois d’octobre. Il faut dire que tandis que la récolte s’éternise, les opérateurs s’interrogent sur la qualité de la production hexagonale, au vu de la présence localisée de mycotoxines.
Cette récolte française pourrait néanmoins être sollicitée par les acheteurs européens, dont l’approvisionnement est à risque après la baisse de production dans l’est du Vieux Continent. D’ailleurs, l’USDA rehausse l’objectif d’importations de l’Union européenne à 19,5 millions de tonnes, soit 0,5 million de tonnes de plus par rapport à sa dernière estimation.
Pourtant, c’est bien avec la mise à jour de son propre bilan que l’office américain a créé la surprise. Avec leurs bonnes ventes à l’exportation et une production d’éthanol proche de ses records ces dernières semaines, les stocks de fin de campagne de 2024-2025 aux États-Unis tombent à 44,15 millions de tonnes contre 49,23 millions de tonnes le mois dernier. C’est ainsi que le bilan du maïs américain, qui était l’élément de lourdeur de tout le complexe céréalier il y a quelques mois, s’allège.
Quelques doutes s’emparent donc des opérateurs internationaux qui porteront ensuite leur attention sur l’Amérique latine. Pour l’instant, La Conab laisse quasi inchangée son estimation de production de maïs à 119,6 millions de tonnes, à l’heure où les semis de maïs safrinha ne débuteront qu'au début de 2025.
En Argentine, les semis s’accélèrent avec désormais plus de 55 % des surfaces emblavées, tout en profitant de conditions favorables jusqu’à présent. Enfin, le retour de la demande en Chine sera un élément clé au cours des prochains mois. L’USDA intègre peu à peu ses faibles achats ces derniers mois, révisant à la baisse ses importations de 2 millions de tonnes à 14 millions de tonnes.
Colza : un retour sur ses plus hauts de campagne
La graine de colza remonte à 540 €/t Fob Moselle, de retour sur ses niveaux de la mi-novembre, après avoir brièvement chuté sous les 500 €/t deux semaines plus tôt. Dernièrement, l’actualité est occupée par le blocage du trafic fluvial sur la Moselle pour plusieurs mois, après l’endommagement d’une écluse en Allemagne.
Dans ce contexte, Euronext suspend la livraison sur les ports français de Belleville, Frouard et Metz pour l’échéance de février 2025 du colza. L’incertitude est forte auprès des opérateurs européens, sachant que les exportations françaises s’accélèrent vers l’Allemagne pendant l’hiver.
Outre cette perturbation des flux intracommunautaires, il faut souligner que le besoin d’approvisionnement des triturateurs européens est soutenu, et ce d’autant plus après les mauvaises récoltes de colza et tournesol. D’ailleurs, l’USDA rehausse de 0,15 million de tonnes l’objectif d’importations de colza à 6,85 millions de tonnes au sein de l’Union européenne, ce qui marquerait un nouveau record.
C’est ainsi que les disponibilités exportables du Canada et de l’Australie seront surveillées de près, maintenant que le pic des exportations ukrainiennes est passé. Si l’office américain rehausse de 0,1 million de tonnes la production australienne à 5,6 millions de tonnes, il abaisse de 20 à 18,8 millions de tonnes la production canadienne. Ce dernier chiffre reste toutefois supérieur à l’estimation de l’office local Statcan qui table sur une récolte à 17,8 millions de tonnes.
Enfin, le marché des huiles sera aussi scruté de près. Le Malaysian Palm Oil Board a souligné les problèmes de rendement en Malaisie avec une baisse de la production en novembre de 9,8 %. Ce manque de disponibilités est compensé par la baisse des exportations, la hausse des prix de l’huile de palme ayant entraîné un rationnement de la demande.
D’ailleurs, si les stocks de palme restent très faibles en Chine, les importations de canola se sont accélérées ces derniers mois et permettent maintenant à l’huile de canola d’atteindre un niveau record pour un mois de novembre. La fermeté des prix des huiles végétales reste un élément de soutien pour l’ensemble du complexe oléagineux.
Soja : bonnes disponibilités attendues dans l’hémisphère Sud
Le marché des tourteaux de soja poursuit son mouvement baissier initié depuis plus d’un an. Les prix reviennent sur les plus bas niveaux testés le mois dernier en dessous de 370 €/t sur le spot délivré Montoir. La semaine a été marquée par la publication mensuelle du rapport de l’USDA. Les ajustements ont été très peu nombreux. L’office américain maintient son estimation de production de soja à 121,4 millions aux États-Unis, juste en dessous du record de 121,5 millions en 2021.
Les bilans américains n’ont pas été ajustés mais de nombreuses questions se posent sur le dynamisme de la demande, entre la forte activité de trituration à l’échelle locale et l’accélération des exportations ces dernières semaines. Pour autant, les ventes hebdomadaires à l’exportation sont ressorties cette semaine à 1,17 million de tonnes, un niveau décevant en dessous de la fourchette basse des attentes. Il faut dire que la fermeté du dollar par rapport aux autres devises depuis l’élection de Donald Trump pénalise la compétitivité de la graine et des tourteaux américains.
Dans le même temps, les regards se tournent du côté de l’hémisphère Sud. Les semis se terminent au Brésil et les pluies régulières rassurent. L’organisme local, la Conab, maintient son estimation de production à un niveau record de 166,2 millions contre les 169 millions attendus par l’USDA.
Les perspectives sont pour le moment optimistes également du côté de l’Argentine. Les semis sont réalisés à hauteur de 67 % et 65 % des surfaces sont notées en bonnes ou excellentes conditions. L’USDA en a d’ailleurs profité pour revoir son estimation de la production en légère hausse, de 1 million de tonnes, à 52 millions de tonnes, contre 48,2 millions l’an passé.
À suivre : fin de la récolte en hémisphère Sud, demande internationale en blé, rythme des exportations de blé au départ de la mer Noire, compétitivité de l’origine française, exportations de maïs et soja aux États-Unis, semis de maïs en Argentine, qualité du maïs français, rythme des importations européennes de maïs et colza, reprise du commerce fluvial sur la Moselle, début de la récolte de soja au Brésil, rythme de la trituration internationale, baisse de production saisonnière de palme en Asie du Sud-Est, faiblesse de la parité euro par rapport au dollar, mais aussi rouble/dollar et real brésilien/dollar…
(1) Société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières.