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L’empire libéral contre-attaque

Lempire libéral contreattaque
CHRONIQUE / Le premier ministre Justin Trudeau se retrouve peut-être dans les câbles, accablé par ses propres troupes réclamant son départ, mais il n'a pas dit son dernier mot pour autant. Lui et son équipe ont commencé à donner plus crûment la r

Cette volonté de riposter s’est manifestée dans trois dossiers, à commencer par celui du logement. Pierre Poilievre a entamé la semaine en force en promettant d’abolir la TPS sur les constructions neuves valant moins de 1 million de dollars. Cette mesure a été acclamée par à peu près tous les acteurs du milieu. Il s’agit d’une économie de 5 % pouvant valoir au maximum 50 000 $.

Quelle garantie a-t-on que les constructeurs n’augmenteront pas d’autant leurs prix? Aucune. Mais comme le dit le chef conservateur, la concurrence sera un puissant désincitatif. En outre, tout dépend de comment la politique sera mise en place. Un tel rabais, quoique partiel, existe déjà pour les maisons de 450 000 $ ou moins. Il faut d’abord payer les 5 %, puis réclamer le remboursement ramenant la taxe à 3,2 %. La même formule pourrait être retenue.

Le défi sera plutôt de financer cette mesure de 4 milliards par année, ou 16 milliards sur un mandat de quatre ans. M. Poilievre estime que la moitié de la facture sera épongée par les revenus supplémentaires que cette stimulation économique générera. À voir. L’autre moitié proviendrait de l’abolition de deux programmes existants qu’il considère comme des patentes bureaucratiques ne créant aucun logement. C’est là où ça se complique.

Il prévoit récupérer 5 milliards du Fonds canadien pour les infrastructures liées au logement. À partir de 2025, ce fonds versera de l’argent aux villes pour construire les aqueducs et les égouts nécessaires à l’ouverture de nouveaux quartiers. En contrepartie, elles devront geler les redevances de développement qui servent justement à cela et qui font augmenter le prix des logements neufs.

Le problème, c’est que ce fonds, bien que devant durer 10 ans, n’est doté que de 1,5 milliard d’ici 2028-29, la dernière année d’un éventuel mandat conservateur. M. Poilievre est donc déjà à court de 3,5 milliards. Sa promesse du 1 $ pour 1 $, soit de financer ses nouveaux programmes par des coupures équivalentes, s’en trouve déjà rompue.

Le chef conservateur lors de la période de questions à la Chambre des communes, le jeudi 31 octobre 2024. (Sean Kilpatrick/La Presse Canadienne)

Pierre Poilievre espère récupérer 3 autres milliards du Fonds pour accélérer la construction de logements, qui récompense les villes s’engageant à réduire les tracasseries administratives. Le hic? Cet argent a déjà été promis par contrats. C’est en vertu d’un tel contrat que le Québec a garanti sa part de 900 millions de dollars. L’annuler risque de compromettre des projets en cours.

Pierre Poilievre soutient que ce n’est pas grave, car ce programme n’a produit aucun résultat. Il en veut pour preuve la diminution du nombre de permis de construction émis par les municipalités participantes. C’est vrai… mais trompeur. Il ne tient pas compte du fait que les promoteurs ont demandé moins de permis à cause du coût des matériaux et des taux d’intérêt élevés. À Gatineau par exemple, le nombre de permis émis en 2023 est 27 % plus bas qu’en 2019. Mais! Pour la même période, le nombre de permis demandés a baissé de 45 %. Autrement dit, le taux d’approbation a plutôt augmenté, passant de 63 % à 83 %.

La riposte libérale, dans tout ça? Le ministre du Logement, Sean Fraser, a révélé que même les conservateurs aiment ce fonds. La preuve? Il a reçu de certains députés des lettres lui demandant d’approuver la soumission des villes de leur circonscription! Lettres qu’il a partagées avec empressement. Parions que Lianne Rood, Dan Albas, Michael Cooper, Rob Moore et Adam Chambers se feront passer un savon par leur patron.

Ingérence et avortement

L’autre front sur lequel les libéraux contre-attaquent est celui de l’ingérence étrangère. Depuis que Justin Trudeau a déclaré devant la commission Hogue qu’il avait les noms de conservateurs compromis et déploré que Pierre Poilievre ne demande pas la cote de sécurité qui lui permettrait de les connaître aussi, le chef conservateur le met au défi de révéler ces noms. Sachant que le premier ministre n’a pas le droit de faire cela, il peut donc l’accuser de «propage[r] des théories du complot».

Justin Trudeau a donc décidé de le prendre au mot. Il a demandé aux services de renseignement de quand même «fournir au chef de l’opposition certaines informations pour qu’il puisse s’acquitter de sa responsabilité de protéger les Canadiens, incluant les membres de son propre caucus». Le sous-entendu est clair: il y aurait des personnes compromises dans son équipe actuelle et refuser de le savoir relève de la complicité. Touché.

Enfin, le troisième angle de contre-attaque est celui de l’avortement. Depuis l’invalidation du jugement Roe vs Wade aux États-Unis, les libéraux tentent d’importer au Canada la crainte d’un recul du droit à l’avortement afin de piéger les conservateurs. C’est la raison pour laquelle ce sont les contraceptifs qu’ils rendront gratuits en premier avec leur future assurance-médicaments.

Cette semaine, ils sont allés plus loin en s’attaquant aux organismes de bienfaisance pro-vie qui posent comme des centres de planning familiale, mais qui en fait découragent les femmes enceintes qui les consultent à se faire avorter. Pour conserver leur droit d’émettre des reçus d’impôt, ces organismes devront désormais indiquer clairement qu’ils n’offrent aucun avortement ni référence vers des cliniques d’avortement. Les libéraux forceront ainsi les conservateurs à se prononcer sur ce projet de loi déjà dénoncé par des organismes pro-vie. Astucieux.

Pour couronner la semaine, Jagmeet Singh a annoncé qu’il n’imitera pas le Bloc québécois: il ne tentera pas de renverser le gouvernement d’ici Noël.

Rien de tout cela ne signifie que Justin Trudeau est sorti d’affaires. Mais cela démontre qu’il est hasardeux de le déclarer pour mort trop tôt. Rappelez-vous 2015: le porte-parole de Stephen Harper avait dit qu’il suffirait que Justin Trudeau se présente au débat avec son pantalon pour qu’il se montre à la hauteur. On connaît la suite.

Plus les attentes envers lui seront basses, plus Justin Trudeau aura de chances de les surpasser. Et en campagne électorale, il n’y a rien que les journalistes et les électeurs aiment plus que les résurrections miraculeuses. La messe n’est pas encore dite.

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