Remboursement du Wegovy : la HAS entrouvre la porte
Paris – Ce sont les médicaments les plus « en vogue » du moment. Dans un monde où près d’un milliard d’adultes souffrent d’obésité, les analogues du GLP-1, médicaments qui permettent une perte de poids de près de 15 % en quelques semaines, sont vu comme des produits miracles. Parmi eux, le sémaglutide s’est pour le moment taillé la part du lion.
Cette molécule est commercialisée par le laboratoire danois Novo Nordisk sous deux formes, l’une pour traiter le diabète de type 2 (Ozempic), l’autre contre l’obésité (Wegovy). Disponible dans les phramacies en France depuis le 8 octobre, le Wegovy n’est pour le moment pas pris en charge par la Sécurité Sociale et les obèses qui souhaitent en bénéficier doivent débourser entre 9 et 12 euros par jour (entre 274 et 365 euros par mois).
A ce titre, les choses pourraient rapidement changer. Dans un avis publié ce mercredi, la Haute Autorité de Santé (HAS) s’est dit favorable au remboursement du Wegovy, mais uniquement pour les adultes souffrant d’une obésité sévère (IMC supérieur à 35). Le Wegovy ne pourra en outre n’être prescrit et remboursé qu’en deuxième intention, après l’échec d’une prise en charge nutritionnelle (la HAS définissant un échec comme une perte de poids de moins de 5 % en six mois).
En outre, la prescription de Wegovy devra être faite par un médecin spécialiste de l’obésité ou exerçant dans un centre spécialisé sur l’obésité et en complément d’un régime hypocalorique et d’une augmentation de l’activité physique.
Vers une prise en charge à 65 %
La HAS reprend ici presque intégralement les conclusions d’un premier avis qu’elle avait rendu sur le Wegovy en décembre 2022 à un détail près : elle estime désormais que ce médicament peut être prescrit chez tous les adultes souffrant d’obésité sévère et pas seulement chez ceux de moins de 65 ans. Le public cible est estimée à 1 à 2 millions de patients. En revanche, la HAS s’oppose tant au remboursement qu’à la prescription du Wegovy dans les autres cas couverts par l’autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne de ce produit, soit les patients présentant un IMC compris entre 27 et 35.
Pour justifier son avis favorable à un remboursement, la HAS cite « des nouvelles données cliniques ayant démontré un bénéfice cardiovasculaire modeste du sémaglutide » et note que le sémaglutide est le seul analogue du GLP-1 ayant apporté la preuve d’un bénéfice cardiovasculaire. La HAS recommande cependant l’arrêt du traitement par sémaglutide en cas d’échec et en tous les cas une réévaluation de la poursuite du traitement tous les deux ans.
« Avec ce nouvel avis, notre objectif est d’obtenir dans les meilleurs délais un remboursement de Wegovy » s’est réjoui le laboratoire Novo Nordisk à l’annonce de la décision de la HAS. « Cela permettrait notamment d’assurer une prise en charge du traitement pour les patients actuellement en continuité de traitement dans le cadre de l’accès précoce octroyé à Wegovy » a ajouté le laboratoire : ce sont environ 8 000 patients qui bénéficient de ce traitement depuis 2022 dans le cadre de cet accès précoce.
Novo Nordisk va maintenant entrer en négociations avec le Comité économique des produits de santé (CEPS) pour fixer un prix au Wegovy. La HAS a estimé que le service médical rendu (SMR) par le Wegovy est « important », ce qui est généralement synonyme d’une prise en charge à 65 % par la Sécurité Sociale. La décision finale de remboursement devra être prise par le ministre de la Santé (quand la France en aura de nouveau un…).
Le Wegovy plébiscité par Biden, décrié par Kennedy
Si les analogues du GLP-1 se lancent désormais à la conquête du marché français, ils ont déjà conquis le marché américain. Dans un pays où près de la moitié des adultes sont obèses et où le marché du médicament est bien moins régulé que chez nous, ce sont déjà 15 millions de personnes qui utiliseraient ces médicaments.
Libéralisme oblige, les obèses américains doivent payer en moyenne 1 349 dollars (1 230 euros) par mois pour se payer ce médicament. Mais aux Etats-Unis aussi les choses bougent. Le 26 novembre dernier, le président Joe Biden a ainsi annoncé que l’Ozempic et le Wegovy seraient désormais pris en charge par Medicare et Medicaid, les systèmes d’assurance santé publique couvrant respectivement les seniors et les personnes défavorisées.
Plus de 7 millions d’obèses américains pourraient bénéficier de cette mesure, pour un coût de 35 milliards de dollars sur dix ans. Le gouvernement assure que ces milliards seraient rapidement compensé par la baisse des dépenses liées à l’obésité.
Problème : le futur président Donald Trump, successeur de Joe Biden, ne voit pas ces analogues du GLP-1 d’un très bon œil. Son ministre de la Santé désigné, le sulfureux Robert Kennedy Jr, a indiqué qu’il était opposé à leur prise en charge. « Pour la moitié du prix d’Ozempic, nous pourrions acheter des aliments issus de l’agriculture biologique pour chaque Américain, trois repas par jour, et un abonnement à une salle de sport pour chaque Américain obèse » plaide-t-il. La mesure de Joe Biden risque de ne pas faire long feu.