Lutte contre le fentanyl : un « tsar » pour quoi faire?

Pour éviter les tarifs douaniers américains en arrachant, in extremis, un sursis d’un mois de la part du président Donald Trump, Justin Trudeau a énuméré une série de promesses – certaines nouvelles, d’autres moins.
Parmi les nouveaux engagements qu’a pris le premier ministre fédéral figure la nomination d’un « tsar responsable de la question du fentanyl ». Mais en quoi consiste ce poste au juste? Quel sera son mandat et de qui relèvera-t-il?
Peu de détails sur la nature exacte de cette fonction ont été révélés lundi par le premier ministre Trudeau qui en a fait l’annonce dans une publication sur son compte X, mais des informations ont commencé à filtrer, le lendemain, de la bouche de plusieurs ministres.
Interrogés par Radio-Canada, plusieurs ministres affirment que l’idée de créer un tel poste était déjà dans les tuyaux depuis des mois, mais qu’il était devenu nécessaire d’en faire l’annonce pour calmer les inquiétudes du président Trump.
Ce dernier accuse régulièrement le Canada de ne pas en faire assez pour mettre fin au trafic d’opioïdes et au flux de migrants clandestins à la frontière et menace depuis des mois d’imposer des droits de douane de 25 % sur les importations canadiennes.
Ces tarifs, qui risquent de mettre en péril des centaines de milliers d’emplois au Canada, devaient entrer en vigueur mardi, mais ils ont finalement été reportés d’un mois à la suite d’un appel téléphonique entre M. Trudeau et M. Trump.

Justin Trudeau et Donald Trump le 3 décembre 2019 à Londres
Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick
Au cours de cet appel, le premier ministre canadien s’est notamment engagé à exécuter le plan frontalier d’une valeur de 1,3 milliard de dollars, qui a été annoncé en décembre dernier et qui prévoit une surveillance accrue de la frontière entre les deux pays.
M. Trudeau a aussi promis de déployer 10 000 agents à frontière, d’ajouter les cartels mexicains sur la liste des entités terroristes et de nommer un tsar responsable de la question du fentanyl.
Selon tous les ministres interrogés par Radio-Canada, la principale tâche de ce tsar sera de coordonner tous les efforts qui sont actuellement mis en œuvre par les différents ministères et agences au Canada pour lutter contre le trafic d’opioïdes.
On veut avoir une personne, une petite équipe, qui va mener une approche plus coordonnée entre Santé Canada, Affaires mondiales Canada, la Santé publique, l’Agence des services frontaliers, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et les provinces, a dit le ministre de la Sécurité publique David McGuinty.

David McGuinty a été nommé ministre de la Sécurité publique lors du remaniement du 20 décembre 2024.
Photo : The Canadian Press / Justin Tang
Ces gens-là travaillent déjà ensemble, mais peut-être pas de manière suffisamment visible, a dit Jean-Yves Duclos, ministre des Services publics et de l'Approvisionnement, au micro de l’émission Tout un matin. On va les mettre en équipe de manière plus visible en les regroupant autour d’un responsable de la question du fentanyl, a-t-il ajouté.
La personne qui occupera ce poste aura d’ailleurs pour mission de communiquer à l’administration Trump les mesures mises en place par le gouvernement canadien dans la lutte contre le trafic d’opioïdes.
Son rôle est de représenter un peu mieux tout ce qui se fait au sein du gouvernement canadien, et les provinces évidemment, auprès du gouvernement américain pour que M. Trump et son administration puissent mieux comprendre de quelle manière on travaille au Canada.
Une citation de Jean-Yves Duclos, ministre des Services publics et de l'Approvisionnement
Toujours selon M. Duclos, le président américain préfère que la communication se fasse avec un représentant officiel de la lutte contre le fentanyl plutôt qu’avec plusieurs organismes fédéraux.

Jean-Yves Duclos est ministre des Services publics et de l'Approvisionnement.
Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld
Cependant, Ottawa ne compte pas utiliser le mot tsar dans le titre officiel de ce poste, même s’il a été utilisé par M. Trudeau dans sa publication sur les réseaux sociaux.
On n’a pas cette expression chez nous, a commenté le ministre des Finances, Dominic LeBlanc, en entrevue au micro de Midi info. Il s’agit, selon lui, d’un terme emprunté des États-Unis.
L’administration Trump compte, en effet, plusieurs responsables surnommés tsars, dont le tsar des frontières, Tom Homan, qui est chargé de superviser l'immigration et la sécurité des frontières. Howard Lutnick, le futur secrétaire au Commerce, est quant à lui surnommé le tsar des tarifs.
Nous, on ne va pas le nommer un tsar, assure M. Duclos. C’est un responsable. On va lui donner un titre officiel qui sera déterminé éventuellement.
Bon, avec M. Trump on va peut-être parler de tsar pour qu’il comprenne un peu mieux ce qu’il représente au Canada, mais nous, on a une fonction publique qui est déjà bien intégrée, bien coordonnée.
Une citation de Jean-Yves Duclos, ministre des Services publics et de l'Approvisionnement

Le président américain Donald Trump signant de nouveaux décrets, le 4 février 2025.
Photo : Reuters / Elizabeth Frantz
Mais de quel ministère va donc relever ce nouveau poste? On verra, a répondu le ministre de la Sécurité publique, David McGuinty, qui confirme que la nomination de la personne qui en aura la charge va se faire dans les 30 prochains jours, avant la date d’échéance du sursis accordé par M. Trump.
Appelé à commenter le déploiement de 10 000 agents à la frontière, M. McGuinty a tenu à préciser qu’il s’agit d’une force qui existe déjà, écartant ainsi l’idée d’embaucher de nouvelles recrues.
Dans son bilan de l’année 2024, l'ASFC indique que près de 8500 agents sont déployés sur le terrain, couvrant environ 1200 points d'entrée à travers le pays.
À ce chiffre, il faudra ajouter des agents de la GRC, ainsi que des agents issus des services de police provinciaux, y compris la Sûreté du Québec et les services de shérifs en Alberta et en Saskatchewan, selon M. McGuinty.
Donc, au total, ce sont tous ces gens qui coopèrent ensemble, a ajouté le ministre.

Pascal Robidas rétablit les faits sur la crise du fentanyl.
Lundi, le chef de l’opposition officielle, Pierre Poilievre, a proposé plusieurs mesures au gouvernement Trudeau pour renforcer la sécurité à la frontière, dont l’ajout d’ au moins 2000 agents et le déploiement de soldats canadiens.
Dans un courriel envoyé mardi à Radio-Canada, le Syndicat des douanes et de l’immigration a indiqué que l'ASFC n’a pas embauché plus d’agents frontaliers qu’à la normale pour l’instant.
Le syndicat affirme par ailleurs qu’il manque entre 2000 et 3000 agents pour permettre à l’Agence de remplir son mandat, tout en rappelant qu’une grande partie de ces postes ont été éliminés sous le gouvernement [conservateur de Stephen] Harper.
Quant à l’idée de déployer les troupes à la frontière, le ministère de la Défense a affirmé dans un courriel envoyé à CBC que cela n’est pas envisagé pour le moment.
Les Forces armées canadiennes ont reçu une demande de la part du ministère de la Sécurité publique afin de soutenir les efforts de la GRC à la frontière, indique le bureau du ministère. Il s’agit notamment d’efforts de coordination et de formation, entre autres.

Entrevue avec Pierre-Yves Borduas, ancien sous-commissaire adjoint à la Gendarmerie royale du Canada.
Selon les autorités canadiennes, la contrebande de fentanyl en provenance du Canada représentait moins de 1 % de l'offre d’opioïdes aux États-Unis.
En effet, en 2024, seulement une vingtaine de kilogrammes de fentanyl ont été saisis à la frontière canadienne par les autorités américaines. En comparaison, près de 9600 kg ont été saisis à la frontière avec le Mexique.
Les données frontalières ne tiennent toutefois pas compte des saisies faites par d’autres corps policiers, comme le FBI, lorsque des réseaux de distribution sont démantelés dans les grandes villes américaines.
Il est difficile de quantifier le volume de fentanyl qui parvient à traverser la frontière sans être intercepté.
Avec des informations de Valérie Gamache.

Le président américain, Donald Trump, a plaidé en faveur du déplacement « permanent » des habitants de Gaza.

Le président américain interdit également le financement de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens.

La concurrence et la réglementation au Canada seraient des facteurs dissuasifs pour les banques américaines.

La création de ce poste est l'une des mesures qui ont permis le report de l'imposition des tarifs douaniers.

Des collaborateurs d'Elon Musk ont pris le contrôle du système de paiements du Trésor américain.