Ministre des Finances du Canada | Les jours de Chrystia Freeland pourraient être comptés
(Ottawa) Le sort de la ministre des Finances, Chrystia Freeland, repose entre les mains de l’ancien gouverneur de la Banque du Canada Mark Carney.
M. Carney, qui a accepté en septembre d’agir comme conseiller spécial du Parti libéral du Canada (PLC) sur la croissance économique, fait de nouveau l’objet d’une intense compagne de séduction de la part du premier ministre Justin Trudeau et de ses proches collaborateurs pour qu’il saute dans l’arène politique.
Résultat : M. Carney est devenu au cours des derniers jours la pièce maîtresse d’un remaniement ministériel que doit faire le premier ministre d’ici la mi-janvier. Ce remaniement est un passage obligé pour remplacer des ministres qui ne brigueront pas les suffrages aux prochaines élections. M. Trudeau veut aussi ajuster son équipe ministérielle en prévision du retour au pouvoir de Donald Trump à la Maison-Blanche, le 20 janvier.
Les efforts déployés pour convaincre M. Carney ont d’abord été rapportés par le quotidien The Globe and Mail la semaine dernière. Cinq sources gouvernementales et libérales ont confirmé ces informations à La Presse au cours de la fin de semaine.
Si M. Carney accepte l’offre de Justin Trudeau, il se verrait confier des fonctions importantes, vraisemblablement le ministère des Finances.
Chrystia Freeland doit présenter son énoncé économique de l’automne ce lundi. Elle ne serait pas écartée du cabinet. Elle pourrait se voir confier à nouveau des responsabilités liées aux affaires étrangères.
Dans l’énoncé qu’elle présentera aux Communes, Mme Freeland va confirmer qu’elle sera incapable de maintenir le déficit sous la barre des 40 milliards de dollars, comme elle avait promis de le faire dans son dernier budget déposé en avril.
« Les discussions sont très sérieuses. Mark Carney est en réflexion. Rien n’est acquis encore. Mais cela va affecter le remaniement ministériel », a confié une source gouvernementale digne de foi qui a requis l’anonymat parce qu’elle n’était pas autorisée à parler publiquement des tractations en cours.
Une autre source gouvernementale, qui a aussi requis l’anonymat, a rappelé que cela fait plus de quatre ans que les libéraux de Justin Trudeau courtisent M. Carney. Jusqu’ici, le principal intéressé a décliné toutes les offres.
« Quand le ministre des Finances Bill Morneau a démissionné, en 2020, on lui a offert la circonscription de Toronto-Centre que détenait le ministre. Il est difficile de trouver une circonscription plus favorable au Parti libéral au pays. Mais Mark Carney a quand même refusé », a relevé cette source gouvernementale.
Les jours de Chrystia Freeland en tant que ministre des Finances pourraient donc être comptés si M. Carney accepte l’invitation de Justin Trudeau. Si l’ex-gouverneur de la Banque du Canada décide de faire le saut, le remaniement pourrait avoir lieu aussi tôt que mercredi, avançait The Globe and Mail dans son numéro de samedi.
Sur fond de frictions
Ces tractations surviennent alors que des frictions entre le bureau de Justin Trudeau et celui de la ministre Chrystia Freeland ont fait la manchette des médias au cours des derniers jours.
« Ce serait un drôle de choix si Mark Carney décidait de faire le saut maintenant. Nous sommes à la fin du mandat et il va y avoir des élections en 2025. C’est quand même inacceptable, ce qui arrive à Chrystia Freeland. Si j’étais à sa place, je ne trouverais pas cela drôle du tout », a commenté une source libérale, qui a aussi réclamé l’anonymat afin de s’exprimer plus librement.
Citant des sources anonymes, The Globe and Mail a rapporté mardi dernier que les tensions sont de plus en plus palpables entre le bureau de Mme Freeland et celui de M. Trudeau.
Ces tensions ont trait à la décision du gouvernement d’offrir un congé de TPS durant deux mois, du 14 décembre au 15 février – une mesure qui coûtera au moins 1,5 milliard de dollars au fisc canadien.
Une deuxième mesure proposée – l’envoi d’un chèque de 250 $ à tous les travailleurs empochant un salaire inférieur à 150 000 $ au printemps – a été mise de côté après une levée de boucliers des partis de l’opposition à la Chambre des communes.
Les fonctionnaires du ministère des Finances s’opposaient à ces deux mesures, jugeant qu’elles étaient coûteuses et peu avantageuses sur le plan économique. La semaine dernière, la ministre Freeland a dit faire peu de cas des « rumeurs » à son sujet.
Justin Trudeau doit remanier son cabinet afin de remplacer cinq ministres qui n’ont pas l’intention de briguer les suffrages aux prochaines élections, soit le ministre du Logement, Sean Fraser, la ministre du Revenu national, Marie-Claude Bibeau, le ministre des Affaires du Nord, Dan Vandal, la ministre des Sports et de l’Activité physique, Carla Qualtrough, et la ministre de l’Agence fédérale de développement économique pour le sud de l’Ontario, Filomena Tassi.
Deux ministres ont aussi quitté le cabinet au cours des dernières semaines, soit le ministre des Transports, Pablo Rodriguez, qui brigue la direction du Parti libéral du Québec, et le ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et des Langues officielles, Randy Boissonnault, qui a démissionné dans la controverse après avoir faussement prétendu avoir des racines autochtones.
Qui est Mark Carney ?
Mark Carney fait partie d’une courte liste de candidats qui pourraient prendre la tête du Parti libéral après le départ de Justin Trudeau.
Il a été gouverneur de la Banque du Canada de 2008 à 2013 et gouverneur de la Banque d’Angleterre de 2013 à 2020.
Il occupe actuellement la fonction d’envoyé spécial des Nations unies pour le financement de l’action climatique.
Il est aussi président des investissements à la firme Brookfield Asset Management.