Démission de Chrystia Freeland sur fond de menaces douanières de Trump
La vice-Première ministre a surpris lundi matin en démissionnant en raison de divergences avec Justin Trudeau sur la façon de gérer la guerre économique qui se profile avec son puissant allié.
“Nous nous trouvions en désaccord sur la meilleure voie à suivre pour le Canada”, au moment où le pays est confronté à “un grand défi”, a écrit Chrystia Freeland, qui était également ministre des Finances, dans sa lettre de démission adressée au Premier ministre et diffusée sur X.
L’intention du président élu américain de passer les droits de douanes à 25 % avec ses voisins a créé une onde de choc au Canada, qui a pour premier partenaire les Etats-Unis, où partent 75 % de ses exportations.
Parlant d’une possible “guerre tarifaire”, elle estime qu’il “faut éviter les astuces politiques coûteuses que nous ne pouvons pas nous permettre et qui font douter les Canadiens que nous reconnaissons à quel point ce moment est grave”, dans une allusion probable aux coups de pouce fiscaux accordés récemment aux particuliers par le gouvernement Trudeau.
La numéro 2 du gouvernement a démissionné quelques heures seulement avant de présenter au Parlement le bilan économique de l’automne, un document qui devrait montrer un déficit budgétaire beaucoup plus important que prévu pour les années 2023 et 2024.
Longtemps parmi la garde rapprochée de Justin Trudeau et même pressentie un moment pour lui succéder, cette anglophone de Toronto a occupé plusieurs postes de ministre depuis l’arrivée au pouvoir du libéral en 2015.
De 2015 à 2017, cette polyglotte et ancienne journaliste a été ministre du Commerce international et a supervisé la négociation réussie de l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne, le Ceta. Elle a ensuite été ministre des Affaires étrangères de 2017 à 2019, avant de devenir vice-Première ministre et ministre des Finances.
– Un “désastre” –
Fin novembre, Justin Trudeau a fait un aller-retour surprise en Floride pour rencontrer Donald Trump et évoquer cette question douanière. Depuis, il multiplie les rencontres, notamment avec les Premiers ministres des dix provinces, affolés par les menaces américaines.
Doug Ford, à la tête de l’Ontario a déclaré la semaine dernière que la province pourrait en réponse couper toutes ses exportations d’électricité vers les Etats-Unis.
Mais rien ne semble indiquer jusqu’ici que Donald Trump pourrait changer sa position.
Dans ce contexte tendu, la démission de celle qui occupait dans le gouvernement le poste le plus important après celui de Justin Trudeau est une nouvelle épine dans le pied du chef du gouvernement.
Ce dernier, qui a annoncé son intention de se représenter dans les mois qui viennent, est déjà très affaibli par plusieurs récents revers politiques.
“C’est un désastre total”, lâche Lori Turnbull, professeure de l’Université Dalhousie, parlant d’une “crise” pour Justin Trudeau.
Les prochaines législatives doivent avoir lieu au plus tard le 20 octobre 2025, mais beaucoup d’analystes estiment que le gouvernement a peu de chances de tenir jusque-là.
“Cela place le gouvernement dans un état de choc et de panique”, dit-elle à l’AFP. “Je pense qu’il est beaucoup plus difficile pour M. Trudeau de rester Premier ministre, car il perd une certaine légitimité.”
Signe que l’annonce a pris par surprise, la ministre Anita Anand, proche amie et alliée de Mme Freeland au sein du cabinet, a déclaré avec émotion aux journalistes que cette nouvelle l'”affecte beaucoup”.
Le chef de file conservateur au Parlement a estimé sur X que “le gouvernement était en lambeaux”. “Même elle, elle a perdu confiance en Trudeau”, a souligné Andrew Scheer.
Le gouvernement libéral de Justin Trudeau a survécu depuis septembre à trois motions de censure déposées par l’opposition conservatrice, emmenée par Pierre Poilievre.
C’est “vraiment un problème” pour le Premier ministre, renchérit Geneviève Tellier, spécialiste de la politique fédérale.
Selon elle, “c’est la première fois qu’on voit quelqu’un au cabinet contester le leadership de Justin Trudeau. Jusqu’à présent, tout le monde au conseil des ministres était solidaire”.
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