Chrystia Freeland démissionne de son poste de ministre des Finances
Dans un véritable coup de théâtre, la ministre fédérale des Finances, Chrystia Freeland, a démissionné du cabinet Trudeau lundi matin, le jour même où était prévue la présentation de sa mise à jour économique à Ottawa.
Dans une lettre critique publiée sur sa page X, elle explique que le premier ministre, Justin Trudeau, lui aurait récemment demandé d’occuper un autre poste au sein de son cabinet. « Après y avoir réfléchi, j’ai conclu qu’à mes yeux, la seule voie honnête et viable est de démissionner du cabinet », écrit-elle.
« Pour être efficace, un ministre doit parler au nom du premier ministre et avec toute sa confiance. En prenant votre décision, vous avez clairement indiqué que je ne possède plus cette confiance de façon crédible et que je ne possédais pas l’autorité qui l’accompagne », peut-on lire dans la lettre adressée au premier ministre.
Dans sa lettre fracassante, Chrystia Freeland explique qu’elle était en « désaccord » avec Justin Trudeau sur la manière de gérer les finances du pays. Elle dénonce le recours à des « astuces politiques coûteuses » qui mettent en péril la préparation du Canada face à la menace de tarifs douaniers de 25 % du président américain désigné, Donald Trump.
« Il faut préserver notre capacité fiscale aujourd’hui, pour que nous puissions disposer des réserves dont nous pourrions avoir besoin lors d’une guerre tarifaire », écrit-elle.
Des tensions croissantes opposaient Mme Freeland au cabinet du premier ministre au sujet de l’augmentation des dépenses, comme la pause de deux mois de la TPS et la promesse des chèques de 250 $ pour les travailleurs gagnant 150 000 $ ou moins. Ces deux mesures coûteraient 6,28 milliards de dollars.
Au cours des derniers jours, des médias rapportaient également que le premier ministre Trudeau multipliait ses efforts pour recruter l’ancien gouverneur de la Banque du Canada Mark Carney en vue d’un prochain remaniement de son cabinet ministériel. Plusieurs conjecturaient sur la possibilité que M. Trudeau décide de remplacer Mme Freeland au poste de ministre des Finances par M. Carney.
Selon nos informations, le premier ministre lui aurait offert un poste de ministre pour gérer les relations canado-américaines.
C’est finalement le ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, qui remplacera Mme Freeland aux Finances. Il a été assermenté à Rideau Hall lundi, en fin d’après-midi.
Chrystia Freeland était à la tête du ministère des Finances depuis août 2020. Même si elle démissionne du Conseil des ministres, elle entend tout de même se présenter à nouveau comme députée libérale dans sa circonscription de University-Rosedale, à Toronto.
Lorsqu’elle était ministre des Affaires étrangères entre 2017 et 2019, Mme Freeland a dirigé et conclu la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain sous le premier gouvernement Trump. Elle était perçue comme un pilier important au sein du gouvernement — et même comme une candidate potentielle à la succession de Justin Trudeau à la tête du Parti libéral.
Avenir de Justin Trudeau
L’annonce de Mme Freeland a plongé le caucus en pleine crise et ravivé les appels à la démission de Justin Trudeau comme chef. Au sortir de leur réunion de cabinet, de nombreux ministres ont évité les journalistes. La plupart sont restés silencieux, affichant des mines basses.
Sur X, le député montréalais Anthony Housefather avait indiqué avoir réclamé une rencontre « dans les 24 heures ».
En cours de journée, de nombreux médias ont rapporté que le premier ministre évaluait ses options.
Le gouvernement de Justin Trudeau est présentement en situation minoritaire à la Chambre des communes.
Le premier ministre pourrait décider de proroger la session en cours ou encore ajourner les travaux pour la période des Fêtes.
Une vague de départs
C’est un nouveau revers pour M. Trudeau, qui a déjà perdu plusieurs ministres de son cabinet au cours des dernières semaines.
La lettre de Mme Freeland a été publiée au moment même où le ministre du Logement, Sean Fraser, annonçait qu’il ne se représenterait pas aux prochaines élections pour des raisons familiales, lundi matin. Ce dernier a admis avoir appris la démission de sa collègue au moment où les journalistes le lui ont rapporté, durant son point de presse.
En septembre, Pablo Rodriguez a quitté son poste de ministre des Transports et de membre du caucus libéral en septembre pour se présenter à la direction du Parti libéral du Québec. Randy Boissonnault a quitté son poste de ministre de l’Emploi le mois dernier après des semaines de questions sur les revendications changeantes du député d’Edmonton concernant son identité autochtone et ses relations d’affaires.
Filomena Tassi, ministre responsable de l’Agence fédérale de développement économique pour le sud de l’Ontario, Dan Vandal, ministre des Affaires du Nord, Carla Qualtrough, ministre des Sports et Marie-Claude Bibeau, ministre du Revenu national, ont tous annoncé qu’ils ne se représenteraient pas aux prochaines élections.
Avant de se lancer en politique, Chrystia Freeland a commencé sa carrière en journalisme en Ukraine, comme correspondante indépendante du Financial Times, du Washington Post et de l’Economist.