Les Suisses sont-ils tous malades? «Les choses vont encore empirer»
Image: Shutterstock/watson
Plusieurs virus respiratoires circulent actuellement en Suisse, dont le coronavirus. Et la situation devrait encore empirer d'ici la fin de l'année, lorsque la grippe va faire son apparition. Le point avec un spécialiste.
22.10.2024, 06:00
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La saison froide va bientôt faire son arrivée en Suisse et, avec elle, les nombreux virus respiratoires qui se propagent à la faveur de la période hivernale. Pourtant, le nombre de personnes malades est d'ores et déjà en train d'exploser. C'est, du moins, l'impression que l'on peut avoir en regardant autour de nous - au travail, à la maison, dans les transports en public.
Est-ce vraiment le cas, sommes-nous tous en train de tomber malades? Nous avons posé la question à Philippe Eggimann, infectiologue et vice-président de la Fédération des médecins suisses (FMH). Interview.
On peut avoir l'impression que de plus en plus de personnes sont en train de tomber malades. Est-ce vraiment le cas?Philippe Eggimann: C'est difficile à dire, car les données précises font défaut. Nous sommes donc un peu aveugles. De plus, la plupart des virus qui circulent pendant la saison froide ne font pas, ou plus, l'objet d'un dépistage systématique en Suisse.
De quels virus s'agit-il?Il y en a essentiellement trois. D'abord le coronavirus, suivi par le virus respiratoire syncytial (RSV). Ce dernier cause surtout des bronchiolites chez les nouveaux-nés et les très jeunes enfants, mais on s'est rendu compte qu'il touche également les adultes et les personnes âgées, chez lesquelles il provoque des symptômes importants et un certain nombre d'hospitalisations.
«Sur cette sorte de bruit de fond, qui évolue par vagues, s'ajoute chaque année un pic de grippe saisonnière»
En Suisse, cela se produit entre fin décembre et début janvier.
Nous ne sommes donc pas encore au pic?Non, loin de là. Les dernières données, datant d'il y a 15 jours, montent que c’est le coronavirus qui circule actuellement, tout comme plusieurs autres virus provoquant des infections des voies respiratoires, comme le rhinovirus. Pourtant, le RSV et la grippe ne sont encore pas arrivés.
«Les choses vont donc probablement empirer d'ici la fin de l'année, lorsque ces deux virus vont faire leur apparition»
Qu'en est-il actuellement du coronavirus?On trouve des patients positifs dans les hôpitaux, mais peu d'entre eux sont hospitalisés en raison d'une infection grave causée par le coronavirus. Pourtant, cela complique les autres pathologies. Il y a actuellement deux vagues de coronavirus par année, avec heureusement peu de formes sévères. La première commence avec un pic en janvier, la deuxième en été. Ce n'est pas surprenant, puisque l'immunité conférée par la maladie dure environ six mois.
Est-on mieux protégé contre ces virus après être tombé malade?Une infection par l'un de ces virus ne protège pas contre les autres. Elle peut même affaiblir la personne infectée et la rendre plus sensible. De plus, l'immunité acquise après une infection ne dure pas longtemps. Prenons l'exemple du rhume, qui est causé par des coronavirus du groupe A: on le fait plusieurs fois par année, ce qui montre bien que d'immunité contre les coronavirus n'est pas durable.
Comment peut-on se protéger?Comme l'immunité n'est pas durable et que les virus changent, les autorités recommandent de se faire vacciner au moins une fois par année. C'est une bonne idée, notamment pour les personnes à risque et les personnes âgées.
«Les vaccins contre la grippe et contre le coronavirus sont efficaces, ils permettent d'éviter les formes graves et de limiter la diffusion du virus»
Il y a également un vaccin efficace contre le RSV, désormais disponible en Suisse pour les adultes. En ce qui concerne les enfants, on recommande une immunothérapie pour les nouveaux-nés. En France, elle a été administrée l'année passée à des centaines de milliers d'enfants, ce qui a réduit les hospitalisations pour bronchiolite de 80%.
Le port du masque peut-il jouer un rôle?Certaines personnes commencent à porter le masque dans les transports en public et dans les magasins. Je pense que c'est une bonne idée, notamment si l'on a des symptômes respiratoires. Dans ce cas, un masque standard permet de diminuer la diffusion des virus, qui circulent par voie aérienne.
«L'effet sera encore plus grand si cette habitude se généralise»
Et si l'on veut se protéger?Si vous avez peur de tomber malade, vous pouvez porter un masque ultrafiltrant, qui diminue le risque de se contaminer. C'est une décision individuelle, qui pourrait être intéressante quand on est très à risque et qu'on risque de développer une forme plus sévère. Dans tous les cas en complément de la vaccination.
Ces virus hivernaux ont toujours existé. Est-ce que la pandémie a provoqué des changements à ce niveau-là?Non, je ne crois pas, ces virus ont toujours circulé. Nous sommes maintenant plus attentifs et nous avons amélioré nous outils de détection et de diagnostic. Les tests sont désormais faits pour tout un panel de virus.
«Nous avons beaucoup appris et nous sommes mieux préparés, mais je ne pense pas qu'il y ait plus de virus qu'auparavant»
De plus, nous avons maintenant des mesures efficaces pour essayer de nous protéger.
Sommes-nous devenus plus vulnérables aux virus avec le temps?Je ne pense pas que ce soit le cas. Ce qui est sûr, c'est que nous sommes beaucoup plus nombreux, nous bougeons beaucoup plus, et nous rencontrons plus de monde. On le voit bien dans les transports publics ou dans les magasins, les restaurants et les centres urbains en général, on a beaucoup plus de contacts et le brassage de population est plus important par rapport au passé. Avec les vacances d'octobre, une partie de la population suisse va s'exposer, se mélanger et ramener des virus.
«On peut s'attendre à une recrudescence d'infections respiratoires dans les semaines à venir»
Les comportements de la population jouent donc un rôle?Oui, mais on ne peut pas dire que nous sommes plus sensibles qu'avant. Ces virus circulent, et c'est normal. Aux Etats-Unis, par exemple, le pic de la grippe arrive souvent quelques semaines après le Thanksgiving. C'est l'une des seules occasions où tout le monde va voir sa famille. En général, si la grippe est déjà en train de circuler, ça explose dans les semaines qui suivent.
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source: keystone / jean-christophe bott
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