Au sommet de l'OTAN, des Européens vulnérables et divisés face aux Etats-Unis
Ils devaient être tous là afin d’afficher leur unité pour célébrer, en pleine guerre d’Ukraine, les 75 ans de l’OTAN. Au surlendemain du second tour des législatives, seul Emmanuel Macron devrait manquer à l’appel, mardi 9 juillet à Washington, après avoir retardé son arrivée en raison de la crise politique déclenchée en France par la dissolution de l’Assemblée nationale. Le chef de l’Etat – qui a échappé à une cohabitation avec le Rassemblement national – ne devrait arriver que mercredi, pour deux jours.
Son absence mardi, dans la soirée, aux côtés de Joe Biden donne une idée du degré d’affaiblissement non seulement de la France, mais aussi des Européens au sein de l’Alliance atlantique, après trente mois de conflit en Ukraine. « Il y a cinq ans, quelques semaines avant les 70 ans de l’OTAN à Londres, Emmanuel Macronétait apparu très sûr de lui, diagnostiquant la “mort cérébrale” de l’OTAN. Cinq ans plus tard, ce n’est plus le cas », relève Samuel Faure, spécialiste des questions de défense à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye.
Le chancelier allemand, Olaf Scholz, n’est pas non plus au mieux de sa forme politique, après le revers enregistré aux européennes par le Parti social-démocrate. Un scrutin qui, au contraire, a conforté les formations prorusses ou isolationnistes sur une bonne partie du continent, France en tête.
Divergences sur l’Ukraine
De surcroît, les deux dirigeants européens divergent sur la question la plus sensible du moment pour l’Alliance : la trajectoire de l’Ukraine vers l’OTAN, alors que la Russie occupe près d’un cinquième de son territoire et que les combats font rage. L’Allemagne fait cause commune avec les Etats-Unis pour refuser l’adhésion de Kiev à l’Alliance, afin de ne pas provoquer une escalade avec le Kremlin. La France, au contraire, plaide, avec la plupart des Etats d’Europe centrale, mais également avec le Royaume-Uni, pour tracer un chemin vers son intégration atlantique.
« L’idée est de montrer que cette trajectoire, d’une certaine manière, est irréversible. On va plus loin que ce qui avait été décidé à Vilnius [en Lituanie] », lors du précédent sommet de l’Alliance, en juillet 2023, dit-on à l’Elysée. A l’époque, soucieux d’intégrer au plus vite l’OTAN, Volodymyr Zelensky, le président ukrainien, avait suscité l’agacement des responsables américains en jugeant « absurde » la formule négociée alors d’une adhésion « lorsque les alliés seront d’accord et que les conditions seront réunies ».
Si les débats devraient être plus policés à Washington, la discussion n’en génère pas moins une forme de frustration dans une partie de l’Europe, à commencer par l’Ukraine. « L’administration Biden a toujours été d’une prudence excessive, qui va maintenant se retourner contre elle et contre nous. A chaque fois que l’on dit “pas d’escalade”, on adresse un signal à [Vladimir] Poutine, qui en profite pour escalader », dit l’ancien diplomate Michel Duclos, expert auprès de l’Institut Montaigne : « Cela crée du ressentiment en Ukraine. Nous allons avoir à gérer une Ukraine divisée et frustrée. »
Il vous reste 63.84% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.