Le rôle des aliments ultratransformés dans le cancer colorectal se précise
Quel est le lien entre la survenue d’un cancer colorectal et le régime de type « occidental », caractérisé par la consommation d’aliments ultratransformés (AUT) et de mauvaises graisses ? Des chercheurs américains (Floride, Californie, Massachusetts) ont décrit précisément un état inflammatoire chronique pouvant mener à la tumorogenèse. Leurs résultats, publiés dans la revue Gut, montrent que c’est en nourrissant l’inflammation que l’alimentation ultratransformée serait impliquée dans l’apparition et la progression du cancer colorectal.
Une étude précédente de l’équipe avait suggéré que les AUT pouvaient entraver les processus naturels de guérison de l’organisme. Les auteurs développent leur analyse sur les processus pro-inflammatoires, comparant l’inflammation chronique à « une plaie mal cicatrisée », dans laquelle les lipides jouent un rôle.
L’association entre AUT et risque de cancers avait été pointée du doigt dans plusieurs études, comme celle de NutriNet-Santé ou encore celle menée par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) publiée dans The Lancet Regional Health Europe. Au-delà d’avoir mis en évidence un surrisque de cancer et de multimorbidité cardiométabolique associé aux AUT, cette dernière étude a aussi montré que remplacer la consommation de 10 % d’aliments transformés et ultratransformés par une quantité équivalente de produits frais diminuait le risque de plusieurs cancers (ORL, côlon, foie).
Les lipides « bons ou mauvais » influent différemment sur l’inflammation
Dans ce nouveau travail, les auteurs expliquent que les lipides bioactifs dérivés de « bonnes graisses » permettent à l’organisme de lutter activement contre les inflammations, tandis que les lipides issus d’AUT déséquilibrent directement le système immunitaire et provoquent une inflammation chronique.
L’équipe a recherché des traces de lipides dans 162 échantillons de tumeurs prélevés sur des patients de l'hôpital général de Tampa (Floride) et y a retrouvé un nombre excessif de molécules pro-inflammatoires, et une pénurie de celles anti-inflammatoires. « Nous observons une inflammation dans les tumeurs du côlon elles-mêmes, et le cancer est comme une blessure chronique qui ne guérit pas ; si votre corps vit d'aliments ultratransformés au quotidien, sa capacité à guérir cette blessure diminue en raison de l'inflammation et de la suppression du système immunitaire qui, en fin de compte, permet au cancer de se développer », résument les auteurs.
Pour l’équipe, ces résultats invitent à penser à des prises en charge « naturelles » préventives, argumentant de « l’effet considérable du système immunitaire sur le micro-environnement tumoral ». Il s’agirait ainsi d’inverser l’inflammation « en utilisant des aliments sains et non transformés, riches en acides gras oméga-3 et en dérivés de l'huile de poisson appelés “médiateurs pro-résolution spécialisés”, pour restaurer les mécanismes de guérison du corps, ainsi qu'un sommeil équilibré et de l'exercice physique », détaillent-ils. Les auteurs citent de premiers essais utilisant des dérivés d'huile de poisson pour traiter l'inflammation. Selon une récente étude publiée dans Journal of Nutrition, les AUT représenteraient plus de la moitié des calories consommées au domicile par un adulte américain.