Rumours | Délire au sommet

Dans Rumours, féroce satire politique mâtinée d’horreur sur fond de fin du monde d’Evan Johnson, Galen Johnson et Guy Maddin, Roy Dupuis, entouré d’une distribution cinq étoiles, incarne un premier ministre du Canada aussi sensible et séduisant qu’immature.

Avant d’incarner Maxime Laplace, premier ministre du Canada, dans Rumours, qui met en scène une réunion du G7 qui vire au cauchemar, Roy Dupuis avait eu la chance de tourner dans The Forbidden Room (La chambre interdite, 2015). Rien de cette expérience inoubliable sous la direction de Guy Maddin et d’un ancien étudiant du cinéaste winnipegois, Evan Johnson, n’allait préparer l’acteur à ce qui allait suivre quelque 10 ans plus tard.

« Pas du tout parce que c’était complètement différent, se souvient Roy Dupuis, rencontré en marge du Festival du nouveau cinéma. C’était tourné dans un petit studio du Vieux-Montréal [au Centre Phi], avec des montagnes en papier mâché, où je faisais semblant de marcher tandis que les arbres se promenaient autour de moi. Ç’a été les trois plus belles journées de tournage de ma carrière. J’avais vraiment l’impression d’avoir 5 ans et de faire des sketchs dans ma cave. En plus, je participais à une idée complètement folle que je considère comme géniale, tandis que là, c’était vraiment un plateau normal, l’un des plus gros plateaux que j’ai faits. Il y avait vraiment beaucoup de monde sur ce plateau-là. »

En effet, beaucoup de monde sur le plateau de Rumours, dirigé par Maddin et Johnson, rejoints par le frère du second, Galen. « Ils sont habitués de travailler ensemble et s’entendent vraiment bien, donc tu n’as pas l’impression de travailler avec trois réalisateurs, mais avec la même tête. La plupart du temps, c’est Evan qui expliquait la mise en place, les plans, la situation. »

L’envers du décor

Avec les autres acteurs de l’éblouissante distribution, parmi lesquels Cate Blanchett, en chancelière allemande arborant un look à la Angela Merkel, Denis Ménochet, en président de la République inspiré du roi Ubu et de François Hollande, et Charles Dance, en président des États-Unis narcoleptique s’exprimant avec un accent britannique, Roy Dupuis a eu deux semaines pour s’initier à l’univers surréel de Rumours avant le tournage. Afin de les préparer à incarner les dirigeants des plus puissantes démocraties, les trois réalisateurs avaient envoyé aux acteurs des liens pour visionner des archives de différentes rencontres du G7.

« Ils ne nous ont même pas dit pourquoi ils nous les avaient envoyées. J’ai donc regardé ça. Des premiers ministres du Canada, j’en ai vu, de Brian Mulroney à Justin Trudeau. Dans le fond, ça m’a été utile quasiment juste pour le début du film, question de m’inspirer du langage corporel, des poignées de main, des sourires, des poses pour les photos. »

Après le protocole d’usage, les sept dirigeants se retrouvent en forêt, près d’un château en Allemagne, afin de rédiger une déclaration provisoire. Les heures passent, les cravates se dénouent, les langues se délient… et le charme ravageur du sensible premier ministre du Canada opère. Cheveux et cape au vent, héros malgré lui au cours d’une nuit apocalyptique, Maxime Laplace évoque le style vestimentaire flamboyant de Trudeau père et le goût pour le déguisement de Trudeau fils.

« En conférence de presse au Festival de Cannes, j’ai dit que, personnellement, j’avais un petit faible pour Pierre Elliott Trudeau, qui est un personnage charismatique, une espèce de superstar à l’international, mais je ne me suis pas inspiré de lui parce que je n’ai pas du tout son physique ni son élégance. En fait, je ne me suis inspiré d’aucun premier ministre en particulier ni d’aucun personnage théâtral. J’ai vraiment tout trouvé ce que j’avais à faire dans le texte, dans l’histoire.

« Je ne sais pas si c’est vrai, mais Guy nous a dit que c’est grâce à Pierre Elliott Trudeau, à ce charisme qu’il avait, que le Canada fait partie du G7. À l’époque, et même encore aujourd’hui, le Canada ne faisait pas partie des sept plus grandes économies dans les démocraties libres. C’est un petit peu pour ça que le Canada est toujours l’espèce d’adolescent de la famille. C’est un peu ce qu’ils ont écrit aussi. Mon personnage, c’est quelqu’un de très émotif et très ado. Au fond, ce sont des gens qui se rencontrent pour parler de la crise, d’économie, mais qui finissent par parler de choses banales. »

L’inconnu de l’intelligence artificielle

L’une des particularités du tournage de Rumours, c’est qu’il s’est principalement déroulé la nuit. Au dire de l’acteur, personne sur le plateau n’avait vécu une telle expérience. « Ça favorise la liberté du geste, croit-il. Peut-être parce qu’on se sent plus à l’abri, caché, et qu’on ose des choses plus audacieuses. On était tout le temps les sept ensemble, il y a donc une espèce de cocon, de famille, qui s’est créée rapidement. Cate était la mère, Charles, le père ou le grand-père, et moi, l’adolescent. C’était vraiment tous des gens super impliqués et vraiment intéressés par ce qu’on faisait. »

Outre le plaisir de travailler avec Guy Maddin et les frères Johnson et de partager le haut de l’affiche avec une distribution internationale de haut calibre, Roy Dupuis affirme que parmi les avenues qu’emprunte Rumours, c’est l’évolution de l’intelligence artificielle qui l’attirait beaucoup.

« L’intelligence artificielle est en train de changer le monde pour de vrai. La possibilité qu’on devienne inutile, que notre espèce ne soit pas l’espèce dominante sur terre, est là. L’idée est très présente dans le film, en plus d’être transportée à travers nos dirigeants, qui sont supposément des leaders. Le monde est en train de changer très rapidement. Aujourd’hui, personne ne peut dire à un jeune dans quel domaine étudier parce qu’on ne sait même pas si la job va exister quand il va sortir de l’université. Donc c’est quoi, être leader aujourd’hui ? C’est de bullshiter ? »

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