Le putsch de Chrystia Freeland
Cette « bombe » suscite des réactions majeures et alimente des rumeurs convergeant vers un constat commun : le leadership de Justin Trudeau est gravement fragilisé, peut-être de façon fatale, et Mme Freeland semble avoir donné le coup de grâce à son premier ministre.
Cela pourrait marquer la fin du gouvernement Trudeau. Voici pourquoi.
Des éléments inédits
Je suis la politique canadienne et québécoise depuis près de 30 ans et jamais je n’avais vu un ministre démissionner ainsi. D’abord, Mme Freeland a publié sa lettre de démission sur les réseaux sociaux, dans les deux langues officielles, s’assurant ainsi que le cabinet du premier ministre ne puisse pas manipuler ou déformer sa décision.
De plus, plusieurs autres aspects de cette démission sortent de l’ordinaire.
D’abord, Mme Freeland révèle que le premier ministre lui avait proposé un changement de poste vendredi dernier, suggérant son intention de la remplacer juste après la mise à jour économique. Habituellement, ce genre d’information reste confidentiel avant l’annonce officielle d’un remaniement.
Ensuite, elle écrit dans sa lettre : « Il est inévitable que notre mandat au gouvernement prenne fin », confirmant une fin de régime que plusieurs pressentaient, mais que Justin Trudeau s’efforce de repousser depuis des mois.
Enfin, elle annonce son intention de se représenter comme députée dans sa circonscription de Toronto aux prochaines élections. Une manière subtile, mais claire de signifier qu’elle sera toujours présente après le départ de Justin Trudeau et qu’elle se positionne déjà comme une éventuelle cheffe pour l’après-élection, peu importe l’issue.
Madame Freeland, libérée de toute contrainte, se présente désormais comme une députée lucide et visionnaire prête à accepter une défaite, mais désireuse de poursuivre sa mission en politique dans le futur.
Un effet tsunami
Un cataclysme de cette envergure entraîne des répercussions majeures, et les échos des coulisses à Ottawa confirment l’ampleur de la crise. Plusieurs membres de cabinets ministériels se disent convaincus que « c’est fini » pour ce gouvernement. Cette démission a fait voler en éclats les derniers espoirs de reconquête du pouvoir aux prochaines élections.
Ce désenchantement devrait provoquer de nombreux départs parmi les employés politiques, qui chercheront à se repositionner avant que le marché de l’emploi soit saturé par des CV similaires. Durant la période des Fêtes, bien des langues risquent de se délier, alimentant des récits sur les échecs du gouvernement, la persistance de Justin Trudeau à rester en poste et l’influence jugée excessive de sa cheffe de cabinet, Karie Telford.
Mais il y a pire. Les rumeurs suggèrent que d’autres ministres pourraient emboîter le pas de Mme Freeland, invoquant, eux aussi, une perte de confiance envers la direction du premier ministre. Ces démissions, si elles se confirment, accéléreraient une implosion au sein du gouvernement.
Un premier ministre sur le départ ?
Si les départs de ministres se multiplient, Justin Trudeau pourrait être contraint d’annoncer son retrait. Bien qu’une course à la chefferie s’avère périlleuse, voire désastreuse, pour le Parti libéral du Canada, il est difficile d’imaginer le premier ministre survivre à une perte de confiance aussi massive, notamment celle de sa vice-première ministre et de plusieurs proches collaborateurs.
Mme Freeland n’a pas seulement quitté le cabinet par manque de confiance en Justin Trudeau ; elle a explicitement exprimé son désaccord quant à sa capacité à diriger le Parti libéral et le pays. Si d’autres ministres suivent son exemple, il faudra bien parler d’une tentative de putsch.
Reste à voir si Justin Trudeau choisira de « prendre une marche sous la neige » pour réfléchir à son avenir. Honnêtement, il est difficile d’envisager quelles autres options lui restent.