Démission de Chrystia Freeland La lettre qui a mis le feu aux ...
C’est par l’entremise d’une lettre adressée au premier ministre Justin Trudeau, partagée sur les réseaux sociaux, que Chrystia Freeland a annoncé sa démission fracassante. La lettre résume les motifs derrière sa décision, lance des avertissements et offre des indices quant à son avenir politique. Accompagnée d’experts, La Presse l’a décortiquée.
Démission
D’emblée, Mme Freeland adopte un ton respectueux. « Son introduction est plutôt convenue, estime Emmanuel Choquette, qui enseigne la communication politique à l’Université de Sherbrooke. Il y a une sorte de déférence envers l’institution, et même M. Trudeau. »
Les choses se gâtent par la suite, laissant place à une sorte de « vengeance », aux yeux de la professeure de science politique à l’Université Queen’s, Stéphanie Chouinard.
« Si l’intention de Mme Freeland était d’y aller pour la jugulaire de Justin Trudeau, c’est une très bonne lettre, image-t-elle. Tout en restant diplomatique, on comprend très bien quels sont les désaccords qui justifient sa démission. »
Trahison
S’il y a un mot à retenir de cette section, c’est « confiance », assure M. Choquette.
« Pour elle, la confiance est fondamentale, elle est au cœur de son travail, de sa mission. Et cette confiance, elle ne la ressent plus de la part de Justin Trudeau. Rapidement, Mme Freeland fait reposer la faute de sa démission sur les épaules du premier ministre. »
Il souligne aussi l’utilisation des mots « honnête » et « viable ». « En tant qu’élu, les notions d’intégrité et d’authenticité sont parmi les plus importantes en termes d’image. Elle veut s’assurer de les conserver », décortique-t-il.
Guerre tarifaire
Il s’agit du passage le plus important de la lettre, selon M. Choquette. « En indiquant son désaccord de façon très claire, elle se positionne comme une personne prudente sur le plan fiscal. Une personne capable de faire face aux situations critiques. »
Devant la menace américaine de faire grimper les tarifs douaniers, Mme Freeland lance un avertissement. « Il faut la prendre au sérieux lorsqu’elle mentionne des incertitudes économiques, en tant qu’ancienne ministre des Affaires étrangères. Elle voudrait que l’on garde de la poudre à canon au sec plutôt que de se trouver avec un déficit énorme, devant l’incertitude qui plane avec les intentions de Donald Trump. »
Front uni souhaité
En interpellant directement les Canadiens, Mme Freeland veut prouver sa valeur comme leader, estime M. Choquette. « Il y a un appel à convaincre. C’est toujours omniprésent dans les discours politiques. Elle veut amener les citoyens à comprendre que c’est sa position qui est la bonne. »
Du même coup, elle lance un message aux premiers ministres des provinces, qui auraient souhaité une réponse plus forte face à la croissance des tarifs douaniers à venir de la part du gouvernement fédéral, ajoute Mme Chouinard. « Au cours des dernières semaines, on a senti qu’elle partageait certaines des doléances exprimées à l’endroit du premier ministre par rapport à la gestion de cet enjeu », rappelle-t-elle.
Partir pour mieux rester
Mme Freeland termine en indiquant qu’elle demeurera non seulement en politique, mais au sein des libéraux. « Elle a juste claqué la porte du Cabinet, pas celle du parti, résume M. Choquette. Elle soutient son attachement aux valeurs libérales, tout en tentant de se distancier de Justin Trudeau. »
Son legs demeurera marqué par sa proximité avec Justin Trudeau, estime Mme Chouinard. « Elle quitte tout de même son poste sur une bonne note. On se souviendra d’elle comme une femme de principe. »
En dernier lieu, Mme Freeland tend une « branche d’olivier » aux autres membres de sa formation, considère Mme Chouinard. « Elle leur rappelle que s’ils sont en désaccord avec Justin Trudeau, elle sera prête à travailler avec eux. »